Actualités de l'Urgence - APM
"JE SUIS PLUTÔT CONTENT DE TOUT CE QU'ON A FAIT EN UN AN" (FRANÇOIS BRAUN)
PARIS, 19 septembre 2023 (APMnews) - "Je suis plutôt content de ce qu'on a fait en un an", a déclaré l'ancien ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans un entretien bilan accordé lundi à APMnews, un mois et demi après son départ de l'avenue Duquesne.
APMnews: Le 20 juillet, Aurélien Rousseau a été nommé ministre de la santé et de la prévention, soit seulement un an après votre propre désignation à cette fonction. Qu'avez-vous ressenti ce jour-là, qu'avez-vous fait depuis et comment allez-vous aujourd'hui?
Quels sont vos projets aujourd'hui?
Je suis en train de voir vers quelle direction je vais m'orienter, sachant qu'il y a quand même en bonne position le fait de retourner soigner des malades. Je veux avoir un boulot où je peux être utile, avoir une plus-value à apporter. Si je retourne à l'hôpital, ça serait pour être praticien hospitalier, pas chef de service. Ce sera en Lorraine pour une prise de fonctions au plus tard mi-octobre [François Braun était auparavant chef du service des urgences de l'hôpital Mercy au CHR de Metz-Thionville, NDLR].
Il y a aussi une vraie politique de santé européenne à soutenir, avec ce que défend la France comme principe. Quand on parle de politique du médicament et de pénurie, ça ne se réglera pas en franco-français, ça se fera aussi à l'échelle européenne. Ça peut passer par une candidature aux élections européennes, mais il y a peu de places, beaucoup d'appelés et peu d'élus, c'est très politique, je ne sais pas si j'ai le profil mais c'est en cours de discussion.
Après il y a aussi le sujet de la réforme du système de santé, je reste obsessionnel là-dessus, pour lequel je peux apporter mes compétences.
Quel bilan tirez-vous de votre action pendant un an?
Je suis plutôt content de ce qu'on a fait en un an. On a mis des jalons, semé la terre, maintenant il faut que ça monte et il faudra récolter mais en 2024 et jusqu'à début 2025.
On a fait des choses sur la prévention, sur tout ce qui est santé sexuelle, santé des femmes. Une de mes grandes satisfactions, mais là c'est sentimental, c'est la petite fille de 6 ans qui avait la mucoviscidose et qui m'avait écrit pour la mise en place du Kaftrio* [ivacaftor + tezacaftor + elexacaftor, traitement de la mucoviscidose de Vertex]. Il y a aussi la façon dont on a traité Monkeypox, c'est quand même un satisfecit de l'OMS [Organisation mondiale de la santé].
Il y a aussi la satisfaction de voir que les mesures 'Braun' [sur la revalorisation du travail de nuit et du dimanche à l'hôpital] ont fonctionné et ont quasiment toutes été pérennisées. On a mis les bons jalons pour cette réforme du système de santé qui reste indispensable.
Plusieurs figures des urgences se montrent inquiètes face à la communication rassurante du gouvernement sur le bilan de l'été et qui est bien en deçà des constats de l'enquête menée par Samu-Urgences de France selon lesquels au moins 163 services d'urgence ont été contraints de fermer "faute de ressources humaines" (cf dépêche du 08/09/2023 à 13:25). Aurélien Rousseau dit que les choses ont été anticipées et les patients prévenus. Quel est votre point de vue?
J'ai décroché de l'actualité depuis un mois et demi. Mais il y a eu un vrai changement de paradigme et d'organisation. Certains professionnels de terrain s'en rendent compte, d'autres un peu moins. Ces changements, comme la mise en place d'une régulation à l'entrée des urgences et la mise en place d'équipes préhospitalières, qui ne sont pas que médicales, mais aussi paramédicales, ou la part accordée à la régulation médicale, vont dans le bon sens. A ma connaissance, il n'y a pas eu de drame. L'hôpital s'est réorganisé, des services d'urgence ont vu leur activité diminuer grâce à la régulation.
Les Smur, c'est un vieux débat. Dans toute une partie des prises en charge, il n'y a pas forcément besoin de médecins sur le terrain. Il y a une vraie complémentarité à accepter avec les équipes paramédicales. Il n'y a plus de médecins urgentistes! Que veut-on faire? Il faut arrêter de dire qu'il faut des services d'urgence ou des maternités partout. Il faut accompagner le changement. Les gens commencent à comprendre qu'il n'y aura plus de docteur à côté de chez soi.
Les praticiens hospitaliers et les praticiens hospitalo-universitaires sont en attente de mesures en leur faveur. Pourquoi n'ont-elles pas été prises? (cf dépêche du 15/05/2023 à 19:26 et dépêche du 04/07/2023 à 18:55)
La mesure sur la prise en compte des émoluments hospitaliers dans le calcul de nos retraites des PU-PH [professeurs des universités-praticiens hospitaliers] est sur de bons rails. Sur les PH et le sujet de la reprise de quatre ans d'ancienneté pour tous les praticiens nommés avant le 1er octobre 2020, on a avancé et la mesure a été identifiée en termes de coûts. Ce devrait être dans le PLFSS [projet de loi de financement de la sécurité sociale]. Les quatre années, je m'y suis attelé dès que je suis arrivé mais c'est très compliqué. Le Conseil d'Etat nous avait dit qu'on ne pouvait pas changer certaines personnes d'un statut.
Pourquoi les choses n'ont-elles pas avancé sur la mise en place de tandems médico-administratifs à la tête des hôpitaux, comme l'avait demandé Emmanuel Macron en janvier?
Les choses étaient prêtes à démarrer. Le rapport Claris-Baille [qui n'a toujours pas été rendu public, NDLR] est venu apporter des choses. Sur ce sujet, j'ai une obsession, c'est de dire là où cela marche bien, il ne faut surtout pas le casser, et là où cela ne marche pas, il faut mettre les barrières suffisantes pour que cela fonctionne.
C'est quelque chose à faire par étapes, ne serait-ce que si demain on veut des médecins directeurs, il faut qu'on ait la capacité d'en avoir suffisamment. L'idée de tandem c'est aussi s'arranger pour qu'il y ait cette idée de fusion d'idées et d'objectifs entre l'administratif et le médical.
Regrettez-vous d'avoir mis en œuvre le plafonnement des rémunérations des médecins intérimaires?
Je suis satisfait de la mise en place de cette réforme qui était une sorte de patate chaude que tout le monde se transmettait. Cela a forcé les gens à travailler ensemble, y compris le privé. Ça a été difficile pendant un mois mais la mise en place était surveillée comme le lait sur le feu. Je suis satisfait car l'intérim, avec parfois des rémunérations très élevées, commençait à faire exploser le service public hospitalier.
Comment voyez-vous le manque d'effectifs dans le secteur de la santé?
Il y a deux choses: le manque d'effectif global dans les métiers de la santé. C'est une vraie préoccupation. Et il y a ceux qui changent de métier, en particulier les infirmiers, c'était une obsession. Je suis très content d'avoir lancé cette réforme du métier d'infirmier et de la formation, qui, j'espère, va aboutir.
Après, il faut être réaliste. On fait la 'guerre' avec les troupes qu'on a. Je n'ai pas eu le temps d'avoir les conclusions de l'observatoire national des professions de santé sur les projections en 2030, 2040, 2050 sur les métiers dont on aura besoin. Il faut discuter de comment on se réorganise en fonction des évolutions des métiers, comme le pharmacien qui vaccine, les IPA [infirmiers de pratique avancée]...
Votre successeur va dans le sens d'une reprise de négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins libéraux. Y êtes-vous favorable?
Cette reprise est sur les rails depuis avant l'été. Mon ambition derrière, c'était du donnant-donnant, du gagnant-gagnant, avec une ambition de réorganiser le système. On n'a jamais été opposé à payer la consultation 30 euros, avec les critères qui avaient été mis, les deux tiers des médecins y étaient déjà.
Globalement, je suis persuadé qu'il faut une politique de santé qui puisse se concevoir sur plusieurs années. Un des grands sujets qui me travaille encore, c'est la temporalité de la politique de santé versus la politique au sens large.
Les laboratoires pharmaceutiques ont beaucoup décrié le PLFSS 2023, une mission sur la régulation des produits de santé dite "Mission Borne" a été lancée en janvier 2023 notamment en réponse à leur mécontentement. En tant que ministre, quelles étaient vos relations avec l'industrie du médicament?
J'ai toujours eu un langage de vérité vis-à-vis des industriels en disant "vous n'êtes pas transparents, soyez transparents et ce sera plus facile". On ne peut pas accepter de payer plus et d'avoir des pénuries. Au moment où cette mission a été lancée, il y a eu des discussions sur le fait qu'on ne payait soi-disant pas suffisamment les produits matures et les génériques, ce qui fait qu'ils n'étaient plus rentables. J'ai dit: "vous nous montrez combien ça vous coûte et si on paie moins, on rééquilibrera". On a eu zéro demande. Dans le même temps, un article du BMJ [British Medical Journal] disait que les plus grands laboratoires internationaux investissaient soi-disant dans la recherche et développement alors qu'en fait ils investissent surtout pour leurs actionnaires [cf dépêche du 16/02/2023 à 17:54]. Il faut une politique de relocalisation, OK pour les aider, mais après je demandais une certaine transparence. C'est peut-être ça qui gênait.
Avez-vous mis en œuvre des mesures pour améliorer cette transparence?
Je n'ai pas eu le temps. C'était notamment l'objet du plan pénuries, il y avait plusieurs échelons avec in fine un plan blanc du médicament pour mettre un certain nombre de mesures protectrices sur les produits manquants.
Vous aviez lancé deux missions en vue d'une réorganisation du ministère et de ses agences. Où en était le projet à votre départ?
Tout a été préparé, tout est dans les cartons. Je reste intimement persuadé qu'il faut le faire. Entre tous ces services du ministère et toutes ces agences, il y a quand même des doublons. La politique du médicament est probablement le meilleur exemple, tout le monde parle du médicament dans toutes les directions, à un moment, il faut qu'on soit un peu cohérent, déjà parce qu'on ira plus vite dans la prise de décision et on sera plus efficace.
Je souhaitais aussi que la gestion de crise apparaisse comme quelque chose de plus indépendant, directement à la main du ministre aussi, et une direction un peu plus centrale, tout en renforçant les ARS à l'échelon territorial, ça, c'est une des réponses des CNR [Conseils nationaux de la refondation], il y a un peu d'huile à mettre dans les rouages.
Annulation d'une campagne de prévention contre l'abus de l'alcool: François Braun assumeInterrogé sur l'annulation d'une campagne de prévention contre l'abus d'alcool (cf dépêche du 11/09/2023 à 18:53), François Braun indique qu'il l'"assume". "Elle a duré un mois, il fallait la renouveler et j'ai dit non" car "elle ne correspondait absolument pas au message que je voulais passer pour faire cette politique de prévention qui est indispensable." "La prévention ne doit pas être punitive", affirme l'ancien ministre. "Ce n'est plus ça la communication actuelle", ajoute-t-il en affirmant: "Je n'ai eu aucune pression du lobby de l'alcool, de la bière ou quoi que ce soit!" "J'ai par ailleurs tenu la ligne de modifier la taxation de l'alcool, comme on l'a fait pour le tabac, en fonction de l'inflation, pour la rendre au même niveau", précise-t-il. Interrogé sur l'annonce de l'absence de hausse du prix du tabac, il déclare qu'il plaidait pour une augmentation. "Mais j'aurais suivi l'arbitrage gouvernemental", assure-t-il. En matière de prévention, "mes deux grands dossiers sur la fin de l'année étaient le sport-santé et les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant". |
gl-san-mjl/ab/APMnews
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"JE SUIS PLUTÔT CONTENT DE TOUT CE QU'ON A FAIT EN UN AN" (FRANÇOIS BRAUN)
PARIS, 19 septembre 2023 (APMnews) - "Je suis plutôt content de ce qu'on a fait en un an", a déclaré l'ancien ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans un entretien bilan accordé lundi à APMnews, un mois et demi après son départ de l'avenue Duquesne.
APMnews: Le 20 juillet, Aurélien Rousseau a été nommé ministre de la santé et de la prévention, soit seulement un an après votre propre désignation à cette fonction. Qu'avez-vous ressenti ce jour-là, qu'avez-vous fait depuis et comment allez-vous aujourd'hui?
Quels sont vos projets aujourd'hui?
Je suis en train de voir vers quelle direction je vais m'orienter, sachant qu'il y a quand même en bonne position le fait de retourner soigner des malades. Je veux avoir un boulot où je peux être utile, avoir une plus-value à apporter. Si je retourne à l'hôpital, ça serait pour être praticien hospitalier, pas chef de service. Ce sera en Lorraine pour une prise de fonctions au plus tard mi-octobre [François Braun était auparavant chef du service des urgences de l'hôpital Mercy au CHR de Metz-Thionville, NDLR].
Il y a aussi une vraie politique de santé européenne à soutenir, avec ce que défend la France comme principe. Quand on parle de politique du médicament et de pénurie, ça ne se réglera pas en franco-français, ça se fera aussi à l'échelle européenne. Ça peut passer par une candidature aux élections européennes, mais il y a peu de places, beaucoup d'appelés et peu d'élus, c'est très politique, je ne sais pas si j'ai le profil mais c'est en cours de discussion.
Après il y a aussi le sujet de la réforme du système de santé, je reste obsessionnel là-dessus, pour lequel je peux apporter mes compétences.
Quel bilan tirez-vous de votre action pendant un an?
Je suis plutôt content de ce qu'on a fait en un an. On a mis des jalons, semé la terre, maintenant il faut que ça monte et il faudra récolter mais en 2024 et jusqu'à début 2025.
On a fait des choses sur la prévention, sur tout ce qui est santé sexuelle, santé des femmes. Une de mes grandes satisfactions, mais là c'est sentimental, c'est la petite fille de 6 ans qui avait la mucoviscidose et qui m'avait écrit pour la mise en place du Kaftrio* [ivacaftor + tezacaftor + elexacaftor, traitement de la mucoviscidose de Vertex]. Il y a aussi la façon dont on a traité Monkeypox, c'est quand même un satisfecit de l'OMS [Organisation mondiale de la santé].
Il y a aussi la satisfaction de voir que les mesures 'Braun' [sur la revalorisation du travail de nuit et du dimanche à l'hôpital] ont fonctionné et ont quasiment toutes été pérennisées. On a mis les bons jalons pour cette réforme du système de santé qui reste indispensable.
Plusieurs figures des urgences se montrent inquiètes face à la communication rassurante du gouvernement sur le bilan de l'été et qui est bien en deçà des constats de l'enquête menée par Samu-Urgences de France selon lesquels au moins 163 services d'urgence ont été contraints de fermer "faute de ressources humaines" (cf dépêche du 08/09/2023 à 13:25). Aurélien Rousseau dit que les choses ont été anticipées et les patients prévenus. Quel est votre point de vue?
J'ai décroché de l'actualité depuis un mois et demi. Mais il y a eu un vrai changement de paradigme et d'organisation. Certains professionnels de terrain s'en rendent compte, d'autres un peu moins. Ces changements, comme la mise en place d'une régulation à l'entrée des urgences et la mise en place d'équipes préhospitalières, qui ne sont pas que médicales, mais aussi paramédicales, ou la part accordée à la régulation médicale, vont dans le bon sens. A ma connaissance, il n'y a pas eu de drame. L'hôpital s'est réorganisé, des services d'urgence ont vu leur activité diminuer grâce à la régulation.
Les Smur, c'est un vieux débat. Dans toute une partie des prises en charge, il n'y a pas forcément besoin de médecins sur le terrain. Il y a une vraie complémentarité à accepter avec les équipes paramédicales. Il n'y a plus de médecins urgentistes! Que veut-on faire? Il faut arrêter de dire qu'il faut des services d'urgence ou des maternités partout. Il faut accompagner le changement. Les gens commencent à comprendre qu'il n'y aura plus de docteur à côté de chez soi.
Les praticiens hospitaliers et les praticiens hospitalo-universitaires sont en attente de mesures en leur faveur. Pourquoi n'ont-elles pas été prises? (cf dépêche du 15/05/2023 à 19:26 et dépêche du 04/07/2023 à 18:55)
La mesure sur la prise en compte des émoluments hospitaliers dans le calcul de nos retraites des PU-PH [professeurs des universités-praticiens hospitaliers] est sur de bons rails. Sur les PH et le sujet de la reprise de quatre ans d'ancienneté pour tous les praticiens nommés avant le 1er octobre 2020, on a avancé et la mesure a été identifiée en termes de coûts. Ce devrait être dans le PLFSS [projet de loi de financement de la sécurité sociale]. Les quatre années, je m'y suis attelé dès que je suis arrivé mais c'est très compliqué. Le Conseil d'Etat nous avait dit qu'on ne pouvait pas changer certaines personnes d'un statut.
Pourquoi les choses n'ont-elles pas avancé sur la mise en place de tandems médico-administratifs à la tête des hôpitaux, comme l'avait demandé Emmanuel Macron en janvier?
Les choses étaient prêtes à démarrer. Le rapport Claris-Baille [qui n'a toujours pas été rendu public, NDLR] est venu apporter des choses. Sur ce sujet, j'ai une obsession, c'est de dire là où cela marche bien, il ne faut surtout pas le casser, et là où cela ne marche pas, il faut mettre les barrières suffisantes pour que cela fonctionne.
C'est quelque chose à faire par étapes, ne serait-ce que si demain on veut des médecins directeurs, il faut qu'on ait la capacité d'en avoir suffisamment. L'idée de tandem c'est aussi s'arranger pour qu'il y ait cette idée de fusion d'idées et d'objectifs entre l'administratif et le médical.
Regrettez-vous d'avoir mis en œuvre le plafonnement des rémunérations des médecins intérimaires?
Je suis satisfait de la mise en place de cette réforme qui était une sorte de patate chaude que tout le monde se transmettait. Cela a forcé les gens à travailler ensemble, y compris le privé. Ça a été difficile pendant un mois mais la mise en place était surveillée comme le lait sur le feu. Je suis satisfait car l'intérim, avec parfois des rémunérations très élevées, commençait à faire exploser le service public hospitalier.
Comment voyez-vous le manque d'effectifs dans le secteur de la santé?
Il y a deux choses: le manque d'effectif global dans les métiers de la santé. C'est une vraie préoccupation. Et il y a ceux qui changent de métier, en particulier les infirmiers, c'était une obsession. Je suis très content d'avoir lancé cette réforme du métier d'infirmier et de la formation, qui, j'espère, va aboutir.
Après, il faut être réaliste. On fait la 'guerre' avec les troupes qu'on a. Je n'ai pas eu le temps d'avoir les conclusions de l'observatoire national des professions de santé sur les projections en 2030, 2040, 2050 sur les métiers dont on aura besoin. Il faut discuter de comment on se réorganise en fonction des évolutions des métiers, comme le pharmacien qui vaccine, les IPA [infirmiers de pratique avancée]...
Votre successeur va dans le sens d'une reprise de négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins libéraux. Y êtes-vous favorable?
Cette reprise est sur les rails depuis avant l'été. Mon ambition derrière, c'était du donnant-donnant, du gagnant-gagnant, avec une ambition de réorganiser le système. On n'a jamais été opposé à payer la consultation 30 euros, avec les critères qui avaient été mis, les deux tiers des médecins y étaient déjà.
Globalement, je suis persuadé qu'il faut une politique de santé qui puisse se concevoir sur plusieurs années. Un des grands sujets qui me travaille encore, c'est la temporalité de la politique de santé versus la politique au sens large.
Les laboratoires pharmaceutiques ont beaucoup décrié le PLFSS 2023, une mission sur la régulation des produits de santé dite "Mission Borne" a été lancée en janvier 2023 notamment en réponse à leur mécontentement. En tant que ministre, quelles étaient vos relations avec l'industrie du médicament?
J'ai toujours eu un langage de vérité vis-à-vis des industriels en disant "vous n'êtes pas transparents, soyez transparents et ce sera plus facile". On ne peut pas accepter de payer plus et d'avoir des pénuries. Au moment où cette mission a été lancée, il y a eu des discussions sur le fait qu'on ne payait soi-disant pas suffisamment les produits matures et les génériques, ce qui fait qu'ils n'étaient plus rentables. J'ai dit: "vous nous montrez combien ça vous coûte et si on paie moins, on rééquilibrera". On a eu zéro demande. Dans le même temps, un article du BMJ [British Medical Journal] disait que les plus grands laboratoires internationaux investissaient soi-disant dans la recherche et développement alors qu'en fait ils investissent surtout pour leurs actionnaires [cf dépêche du 16/02/2023 à 17:54]. Il faut une politique de relocalisation, OK pour les aider, mais après je demandais une certaine transparence. C'est peut-être ça qui gênait.
Avez-vous mis en œuvre des mesures pour améliorer cette transparence?
Je n'ai pas eu le temps. C'était notamment l'objet du plan pénuries, il y avait plusieurs échelons avec in fine un plan blanc du médicament pour mettre un certain nombre de mesures protectrices sur les produits manquants.
Vous aviez lancé deux missions en vue d'une réorganisation du ministère et de ses agences. Où en était le projet à votre départ?
Tout a été préparé, tout est dans les cartons. Je reste intimement persuadé qu'il faut le faire. Entre tous ces services du ministère et toutes ces agences, il y a quand même des doublons. La politique du médicament est probablement le meilleur exemple, tout le monde parle du médicament dans toutes les directions, à un moment, il faut qu'on soit un peu cohérent, déjà parce qu'on ira plus vite dans la prise de décision et on sera plus efficace.
Je souhaitais aussi que la gestion de crise apparaisse comme quelque chose de plus indépendant, directement à la main du ministre aussi, et une direction un peu plus centrale, tout en renforçant les ARS à l'échelon territorial, ça, c'est une des réponses des CNR [Conseils nationaux de la refondation], il y a un peu d'huile à mettre dans les rouages.
Annulation d'une campagne de prévention contre l'abus de l'alcool: François Braun assumeInterrogé sur l'annulation d'une campagne de prévention contre l'abus d'alcool (cf dépêche du 11/09/2023 à 18:53), François Braun indique qu'il l'"assume". "Elle a duré un mois, il fallait la renouveler et j'ai dit non" car "elle ne correspondait absolument pas au message que je voulais passer pour faire cette politique de prévention qui est indispensable." "La prévention ne doit pas être punitive", affirme l'ancien ministre. "Ce n'est plus ça la communication actuelle", ajoute-t-il en affirmant: "Je n'ai eu aucune pression du lobby de l'alcool, de la bière ou quoi que ce soit!" "J'ai par ailleurs tenu la ligne de modifier la taxation de l'alcool, comme on l'a fait pour le tabac, en fonction de l'inflation, pour la rendre au même niveau", précise-t-il. Interrogé sur l'annonce de l'absence de hausse du prix du tabac, il déclare qu'il plaidait pour une augmentation. "Mais j'aurais suivi l'arbitrage gouvernemental", assure-t-il. En matière de prévention, "mes deux grands dossiers sur la fin de l'année étaient le sport-santé et les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant". |
gl-san-mjl/ab/APMnews