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MÉDECINS LIBÉRAUX: LA RÉGULATION DE L'INSTALLATION REPOUSSÉE DE JUSTESSE PAR LES DÉPUTÉS EN COMMISSION
Le texte, issu du groupe transpartisan sur les déserts médicaux et déposé par le socialiste Guillaume Garot (Mayenne), sera examiné en séance publique, en première lecture, mardi 1er ou mercredi 2 avril (cf dépêche du 11/03/2025 à 17:37).
La commission des affaires sociales a adopté trois des principales mesures du texte mais l'a expurgé de sa mesure phare, qui suscitait l'opposition des syndicats de médecins libéraux et jeunes médecins ainsi que des étudiants, réitérée lundi lors d'une réunion organisée au ministère de la santé (cf dépêche du 25/03/2025 à 16:21).
Le texte se limite désormais à la suppression de la majoration tarifaire imposée aux assurés qui consultent sans disposer de médecin traitant, la possibilité de mettre en œuvre un enseignement délocalisé de la première année de médecine dans des antennes des facultés de médecine et l'instauration d'un CHU par région, ainsi que le rétablissement d'une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour l'ensemble des médecins.
Les débats ont une nouvelle fois été animés, entre les députés membres du groupe transpartisan déterminés à faire aboutir une mesure portée en vain mais de longue date pour mieux répartir les médecins libéraux sur le territoire, et ses détracteurs qui redoutaient un repoussoir pour les jeunes praticiens.
Les premiers ont pensé obtenir gain de cause en parvenant d'emblée, lors d'un scrutin public, à repousser une série d'amendements portés par la droite, le centre et l'extrême droite visant à supprimer le premier article portant la régulation de l'installation, par 33 voix contre 32.
Ils l'ont ensuite modifié à l'initiative du rapporteur Guillaume Garot, afin qu'elle concerne à la fois l'exercice libéral et salarié.
"L'installation d'un médecin exerçant à titre libéral ou salarié est soumise à l'autorisation préalable du directeur général de l'agence régionale de santé compétente [ARS] après avis rendu dans les 30 jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l'ordre dont il relève", prévoyait ainsi la formulation retenue.
S'ils ont maintenu le principe d'une autorisation accordée "de droit" dans les zones sous-dotées ou fragiles, les députés ont toutefois supprimé la deuxième partie du mécanisme, qui entendait la soumettre à une condition de départ d'un praticien de la même spécialité dans les autres zones.
Après cette modification, qui rendait bancale l'économie globale de la mesure, les députés ont finalement rejeté l'article par 32 voix contre 29.
Rétablissement de l'obligation de PDS
L'article 2, qui supprime la majoration tarifaire appliquée aux patients qui consultent sans disposer de médecin traitant, a été voté à l'unanimité.
L'article 3, qui vise à permettre un enseignement délocalisé de la première année de médecine dans des antennes des facultés de médecine installées dans chaque département, et prévoit que chaque région soit dotée d'un CHU, a été approuvé quasiment tel quel.
La commission a par ailleurs adopté l'article 4, qui revient à rétablir une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour l'ensemble des médecins.
Il modifie l'article L1110-4-1 du code de la santé publique, pour disposer que "les établissements de santé et les autres titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L6122-1 ainsi que les spécialistes de médecine générale libéraux et salariés, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d'Etat participent et sont responsables collectivement de la permanence des soins".
Guillaume Garot avait fait valoir la nécessité de faire primer un "principe de solidarité" et de "mieux répartir la charge dans le département", avec l'idée "que chacun s'y mette pour que ce soit supportable pour tous".
Nicolas Sansu (GDR, Cher) a notamment plaidé que dans une maison médicale de garde de sa circonscription, la garde revenait "toutes les six semaines" pour les médecins volontaires y participant, contribuant à leur épuisement professionnel, et que cela passerait à une garde "toutes les 15 ou 16 semaines" en cas de rétablissement de l'obligation.
Une solution jamais explorée, rejetée par la profession
L'essentiel des débats, qui se sont étirés sur quatre heures, s'est concentré sur l'article premier et la régulation de l'installation des médecins. L'extrême droite (Rassemblement national, UDR) une majorité de députés de droite et du centre (Les Républicains, Ensemble pour la République, Horizons, Modem) y étaient opposés.
"Le texte que nous vous proposons est un texte de compromis entre différentes sensibilités politiques qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. C'est un texte qui peut nous rassembler et nous rassembler pour avancer, pour offrir des perspectives pour redonner espoir à des millions de Français qui se sentent aujourd'hui abandonnés", a plaidé Guillaume Garot.
La plupart des députés favorables à la régulation de l'installation des médecins, comme Hadrien Clouet (LFI-NFP, Haute-Garonne), Joël Aviragnet (SER, Haute-Garonne), Jean-Claude Raux (écologiste, Loire-Atlantique) mais aussi Philippe Vigier (Modem, Eure-et-Loir), Yannick Favennec (Liot, Mayenne) et Xavier Breton (DR, Ain) ont fait valoir en substance qu'il était temps de s'engager dans des pistes jamais explorées et déjà déployées pour d'autres professions de santé.
Guillaume Garot a estimé que la restriction apportée était en réalité minime, puisqu'en accordant une autorisation d'installation "de droit" dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, cela couvrait 91% du territoire.
Ainsi, la carte actualisée du zonage des médecins montre que 86,9% des 34.953 communes du territoire sont classées en zone d'action prioritaire (ZIP) ou zone d'action complémentaire (ZAC) selon la méthodologie arrêtée en 2021 (cf dépêche du 14/10/2021 à 16:10).
En y ajoutant les zones d'accompagnement régional (ZAR) définies par les ARS, la part du territoire concernée passe à 91,2%. Selon le rapporteur, la mesure aurait permis de flécher environ 400 médecins par an vers les zones sous-dotées.
Plusieurs députés, dont l'ancienne rapporteure générale Stéphanie Rist (Ensemble pour la République, Loiret), ont pointé les nombreux angles morts de l'article, relevant notamment que le zonage actuel, élaboré pour cibler les territoires permettant de bénéficier d'aides à l'installation, ne concernait que la médecine générale.
Avec l'actuel rapporteur général Thibault Bazin (Droite républicaine, Meurthe-et-Moselle), elle s'est interrogée sur la difficulté juridique de cibler "l'installation" des praticiens, notamment au regard de l'exercice salarié en établissement public ou privé de santé.
Stéphanie Rist s'est ainsi demandé si les médecins qui entendaient répondre à une demande d'embauche en établissement devraient demander une autorisation à l'ARS, tout en s'interrogeant sur qui devait "décider s'il pouvait y avoir une ouverture de poste dans tel ou tel hôpital".
Guillaume Garot a notamment rétorqué que l'article L1434-4 du code de la santé publique, qui organise le zonage, n'est pas réservé à la médecine générale, soulignant qu'il reviendrait au pouvoir réglementaire d'organiser un zonage par spécialité.
Le président de la commission, Frédéric Valletoux (Horizons, Seine-et-Marne), a rappelé que la commission s'était déjà prononcée à plusieurs reprises contre la régulation des médecins qui "apparaissait déjà peut-être comme une fausse solution".
Tout en reconnaissant la réalité des multiples témoignages de désespoir, relayés par les députés, de patients confrontés à l'impossibilité de trouver un médecin ou d'obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables, Frédéric Valletoux a estimé que la mesure revenait à leur opposer "une chimère".
Il a plaidé pour laisser aux mesures adoptées ces dernières années le temps de prendre leur plein effet, comme la montée en compétence des autres professionnels de santé, et surtout former davantage de médecins.
Il faut "donner envie à ces médecins [en formation] d'exercer dans tous les territoires. Or le sujet c'est qu'aujourd'hui les médecins et même les jeunes médecins nous disent qu'ils ne veulent pas de la régulation; je le regrette car ça ne m'effraie pas. Mais ils n'en veulent pas", a souligné le président de la commission.
"Le sujet aujourd'hui, c'est de sauver le système des généralistes. Les jeunes ont déjà du mal à accepter la contrainte du métier de généraliste. Ce n'est pas en ajoutant des contraintes qu'on rendra ce métier plus attractif", a-t-il observé.
vg/nc/APMnews
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MÉDECINS LIBÉRAUX: LA RÉGULATION DE L'INSTALLATION REPOUSSÉE DE JUSTESSE PAR LES DÉPUTÉS EN COMMISSION
Le texte, issu du groupe transpartisan sur les déserts médicaux et déposé par le socialiste Guillaume Garot (Mayenne), sera examiné en séance publique, en première lecture, mardi 1er ou mercredi 2 avril (cf dépêche du 11/03/2025 à 17:37).
La commission des affaires sociales a adopté trois des principales mesures du texte mais l'a expurgé de sa mesure phare, qui suscitait l'opposition des syndicats de médecins libéraux et jeunes médecins ainsi que des étudiants, réitérée lundi lors d'une réunion organisée au ministère de la santé (cf dépêche du 25/03/2025 à 16:21).
Le texte se limite désormais à la suppression de la majoration tarifaire imposée aux assurés qui consultent sans disposer de médecin traitant, la possibilité de mettre en œuvre un enseignement délocalisé de la première année de médecine dans des antennes des facultés de médecine et l'instauration d'un CHU par région, ainsi que le rétablissement d'une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour l'ensemble des médecins.
Les débats ont une nouvelle fois été animés, entre les députés membres du groupe transpartisan déterminés à faire aboutir une mesure portée en vain mais de longue date pour mieux répartir les médecins libéraux sur le territoire, et ses détracteurs qui redoutaient un repoussoir pour les jeunes praticiens.
Les premiers ont pensé obtenir gain de cause en parvenant d'emblée, lors d'un scrutin public, à repousser une série d'amendements portés par la droite, le centre et l'extrême droite visant à supprimer le premier article portant la régulation de l'installation, par 33 voix contre 32.
Ils l'ont ensuite modifié à l'initiative du rapporteur Guillaume Garot, afin qu'elle concerne à la fois l'exercice libéral et salarié.
"L'installation d'un médecin exerçant à titre libéral ou salarié est soumise à l'autorisation préalable du directeur général de l'agence régionale de santé compétente [ARS] après avis rendu dans les 30 jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l'ordre dont il relève", prévoyait ainsi la formulation retenue.
S'ils ont maintenu le principe d'une autorisation accordée "de droit" dans les zones sous-dotées ou fragiles, les députés ont toutefois supprimé la deuxième partie du mécanisme, qui entendait la soumettre à une condition de départ d'un praticien de la même spécialité dans les autres zones.
Après cette modification, qui rendait bancale l'économie globale de la mesure, les députés ont finalement rejeté l'article par 32 voix contre 29.
Rétablissement de l'obligation de PDS
L'article 2, qui supprime la majoration tarifaire appliquée aux patients qui consultent sans disposer de médecin traitant, a été voté à l'unanimité.
L'article 3, qui vise à permettre un enseignement délocalisé de la première année de médecine dans des antennes des facultés de médecine installées dans chaque département, et prévoit que chaque région soit dotée d'un CHU, a été approuvé quasiment tel quel.
La commission a par ailleurs adopté l'article 4, qui revient à rétablir une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour l'ensemble des médecins.
Il modifie l'article L1110-4-1 du code de la santé publique, pour disposer que "les établissements de santé et les autres titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L6122-1 ainsi que les spécialistes de médecine générale libéraux et salariés, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d'Etat participent et sont responsables collectivement de la permanence des soins".
Guillaume Garot avait fait valoir la nécessité de faire primer un "principe de solidarité" et de "mieux répartir la charge dans le département", avec l'idée "que chacun s'y mette pour que ce soit supportable pour tous".
Nicolas Sansu (GDR, Cher) a notamment plaidé que dans une maison médicale de garde de sa circonscription, la garde revenait "toutes les six semaines" pour les médecins volontaires y participant, contribuant à leur épuisement professionnel, et que cela passerait à une garde "toutes les 15 ou 16 semaines" en cas de rétablissement de l'obligation.
Une solution jamais explorée, rejetée par la profession
L'essentiel des débats, qui se sont étirés sur quatre heures, s'est concentré sur l'article premier et la régulation de l'installation des médecins. L'extrême droite (Rassemblement national, UDR) une majorité de députés de droite et du centre (Les Républicains, Ensemble pour la République, Horizons, Modem) y étaient opposés.
"Le texte que nous vous proposons est un texte de compromis entre différentes sensibilités politiques qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. C'est un texte qui peut nous rassembler et nous rassembler pour avancer, pour offrir des perspectives pour redonner espoir à des millions de Français qui se sentent aujourd'hui abandonnés", a plaidé Guillaume Garot.
La plupart des députés favorables à la régulation de l'installation des médecins, comme Hadrien Clouet (LFI-NFP, Haute-Garonne), Joël Aviragnet (SER, Haute-Garonne), Jean-Claude Raux (écologiste, Loire-Atlantique) mais aussi Philippe Vigier (Modem, Eure-et-Loir), Yannick Favennec (Liot, Mayenne) et Xavier Breton (DR, Ain) ont fait valoir en substance qu'il était temps de s'engager dans des pistes jamais explorées et déjà déployées pour d'autres professions de santé.
Guillaume Garot a estimé que la restriction apportée était en réalité minime, puisqu'en accordant une autorisation d'installation "de droit" dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, cela couvrait 91% du territoire.
Ainsi, la carte actualisée du zonage des médecins montre que 86,9% des 34.953 communes du territoire sont classées en zone d'action prioritaire (ZIP) ou zone d'action complémentaire (ZAC) selon la méthodologie arrêtée en 2021 (cf dépêche du 14/10/2021 à 16:10).
En y ajoutant les zones d'accompagnement régional (ZAR) définies par les ARS, la part du territoire concernée passe à 91,2%. Selon le rapporteur, la mesure aurait permis de flécher environ 400 médecins par an vers les zones sous-dotées.
Plusieurs députés, dont l'ancienne rapporteure générale Stéphanie Rist (Ensemble pour la République, Loiret), ont pointé les nombreux angles morts de l'article, relevant notamment que le zonage actuel, élaboré pour cibler les territoires permettant de bénéficier d'aides à l'installation, ne concernait que la médecine générale.
Avec l'actuel rapporteur général Thibault Bazin (Droite républicaine, Meurthe-et-Moselle), elle s'est interrogée sur la difficulté juridique de cibler "l'installation" des praticiens, notamment au regard de l'exercice salarié en établissement public ou privé de santé.
Stéphanie Rist s'est ainsi demandé si les médecins qui entendaient répondre à une demande d'embauche en établissement devraient demander une autorisation à l'ARS, tout en s'interrogeant sur qui devait "décider s'il pouvait y avoir une ouverture de poste dans tel ou tel hôpital".
Guillaume Garot a notamment rétorqué que l'article L1434-4 du code de la santé publique, qui organise le zonage, n'est pas réservé à la médecine générale, soulignant qu'il reviendrait au pouvoir réglementaire d'organiser un zonage par spécialité.
Le président de la commission, Frédéric Valletoux (Horizons, Seine-et-Marne), a rappelé que la commission s'était déjà prononcée à plusieurs reprises contre la régulation des médecins qui "apparaissait déjà peut-être comme une fausse solution".
Tout en reconnaissant la réalité des multiples témoignages de désespoir, relayés par les députés, de patients confrontés à l'impossibilité de trouver un médecin ou d'obtenir un rendez-vous dans des délais raisonnables, Frédéric Valletoux a estimé que la mesure revenait à leur opposer "une chimère".
Il a plaidé pour laisser aux mesures adoptées ces dernières années le temps de prendre leur plein effet, comme la montée en compétence des autres professionnels de santé, et surtout former davantage de médecins.
Il faut "donner envie à ces médecins [en formation] d'exercer dans tous les territoires. Or le sujet c'est qu'aujourd'hui les médecins et même les jeunes médecins nous disent qu'ils ne veulent pas de la régulation; je le regrette car ça ne m'effraie pas. Mais ils n'en veulent pas", a souligné le président de la commission.
"Le sujet aujourd'hui, c'est de sauver le système des généralistes. Les jeunes ont déjà du mal à accepter la contrainte du métier de généraliste. Ce n'est pas en ajoutant des contraintes qu'on rendra ce métier plus attractif", a-t-il observé.
vg/nc/APMnews